L'appartement 22

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« Représentations Arabes Contemporaines », acte 3 (L’équation iraquienne). Par Abdellah Karroum

lundi 5 juin 2006

[English] [français]

Représentations Arabes Contemporaines est un projet que la commissaire d’expositions internationale Catherine David mène depuis 2002 sous forme d’expositions, de séminaires, d’échanges et de publications dans plusieurs centres d’art en Europe. L’Équation Iraquienne, troisième volet de cette série, commence par une conférence à l’Université de Séville en 2005, notamment avec des lectures de l’écrivain Ali Bader, du journaliste Käis Al Azzawi et du sociologue spécialiste du Moyen Orient Pierre-Jean Luizard. La Fondation Tapiès à Barcelone expose un dispositif dans lequel le public est invité sur la base de multiples formes de présentation et modes de participation. Le résultat est un assemblage de productions, de films artistiques ou documentaires, et une plateforme d’information au sujet de l’Iraq, de sa culture présente, de ses conflits politiques, religieux et culturels. Après le Liban est l’Égypte, la particularité de cette troisième partie du projet « Représentations Arabes Contemporaines » est que l’Iraq est un pays encore en guerre, ce qui a contraint la commissaire à rencontrer la plupart des personnes impliquées en Jordanie ou à Londres, à Bruxelles et dans d’autres capitales européennes. Que donnent à voir les représentations arabes contemporaines ? Les sujets traités sont collés à l’actualité des pays, loin de l’effet de mode qui caractérise un certain nombre d’événements à effet communicationnelle à l’instar de l’Institut du Monde Arabe ou du British Museum qui organisent des expositions génériques d’artistes sélectionnés en fonction de leurs origines nationales ou sur d’autres critères identitaires. La complexité sociale et politique de l’Iraq rend « impossible » la représentation du pays à partir d’une seule source. Il est nécessaire de regarder l’histoire du pays, les œuvres qui y sont produites, la littérature qui accompagne cette production et leurs références. Entrons dans l’espace d’exposition de la Fondation Tapiès. Avant d’atteindre cette plateforme, le visiteur doit passer de l’autre côté du « banc de la démocratie » (Democracy (2005), œuvre réalisée par l’artiste, architecte et designer Talal Refit. Ce passage se fait physiquement entre les images de la modernité iraquienne du XXe Siècle dont témoignent les photographies issues des archives de la Fondation Arabe pour l’Image (une sélection d’images prises en Iraq a été reproduite pour l’exposition et présentée en Diaporama). Une impression nostalgique se dégage de la présentation de ce passé moderne et heureux avant d’entrer dans l’actualité, encore brûlante, qui nous est « contemporaine ». Ces photographies témoignent de la vie moderne d’un Iraq d’avant guerre, mais post-colonial. Ensuite le public est attiré vers un espace ouvert qui présente un ensemble de supports médiatiques et propose de d’interagir avec l’actualité dans une sorte de « Baghdad Café » avec des poufs réels, des tables dont le thé et les nourritures sont remplacés par des dépliants, des textes, des livres et des adresses de sites web. Le mur du fond de cette salle est une grande fresque imprimée qui reproduit une peinture murale de Faisel Laibi Sahi, Cafeteria à Baghdad. L’exposition se poursuit dans plusieurs salles de projections équipées pour que les visiteurs puissent prendre le temps de visionner chaque documentaire, chaque témoignage, ceux des artistes comme ceux des rescapés ou des activistes qu’ils ont rencontrés. Maysoon Pachachi, documentariste iraquienne exilée en Angleterre, projette de créer une école et un festival de cinéma à Baghdad. Hana Al-Bayaty (Aurillac, 1979), réalisatrice et journaliste, elle a une formation politique et artistique. Al-Bayati a tourné le film « Sur la démocratie en Iraq » (2003, 52 minutes) lors d’une réunion à Londres du bureau de l’opposition iraquienne, trois semaine avant l’invasion américaine. Tariq Hashim (Baghdad, 1960) qui a étudié le théâtre et le cinéma à Baghdad, à Copenhague et en Bulgarie retourne en Iraq, en pleine guerre, après 23 ans d’exil. Il tourne 16 heures d’images vidéo qui donneront lieu au film « 16 hours in Baghdad » (2004). Avec son film « Where is Iraq ? » (2003), le réalisateur Baz Shamoun tente de retrouver son pays après 27 ans d’exil. Une autre œuvre de Talal Refit (Kirkuk, 1957) boucle l’espace d’exposition, un dessin aminé intitulé « Epilog [Epilog] » (2005), en racontant l’évolution d’un objet qui semble se transformer en piège, en symbole et autres formes incertaines. D’autres documents, publications et documentaires sont présentés à Barcelone, ceux de réalisateurs, d’auteurs, d’analystes et d’activistes qui ont décidé de filmer leur pays, (Koutaiba Al-Janabi, Sinan Antoon, Nedim Kufi, Scheherazade Qassim Hassan, Saadi Youssef…). Un ensemble de documentaires montre des gens qui vivent en Iraq ou qui travaille pour la paix, loin des clichés que montrent en boucle les médias internationaux.

Regarder les sociétés arabes, où le geste créateur est synonyme de « travail » ou de culte, implique une prise en compte des nécessités de la création et des modes de diffusion que les artistes mettent en place dans le contexte d’apparition de leurs oeuvres. La production de l’artisan, le travail du danseur qui épuise son corps pour se rapprocher de Dieu, celui du vidéaste qui s’approprie les médiums et interroge les informations venus des quatre coins de la planète. Le Dispositif d’exposition sur lequel travaille Catherine David a cette prétention de donner la parole aux acteurs du contexte iraquien, mais cette parole est plus destinée au public occidental qu’aux citoyens des « pays arabes », puisque ce sont les institutions européennes qui accueille ces expositions et qui sont le plus à même de garder une certaine distance avec ces conflits et en rester au stade des représentations. Le non-spectaculaire des scènes quotidiennes des « représentations » de David contraste avec les images spectaculaires des médias de masse, aussi bien ceux de l’orient (Al-Jazeera, Al-Arabiya) qu’occidentaux (CNN, EuroNews…), mais l’impact d’une exposition dans un centre d’art européen est-il important dans le cas de l’Iraq ? Les activités artistiques sont-elles « justement » mêlées à l’activisme politique ? Représentations arabes contemporaines propose de réfléchir sur nos relations au monde arabe, à l’Islam et aux autres cultures dont dépend aussi le devenir de l’humanité. Il est certain que dans le contexte actuel en Iraq, il est difficile, voir impossible, pour les artistes iraquiens de s’exprimer dans leurs pays. Ils prennent donc la parole dans des espaces différents et le sujet de l’occupation leur est imposé par l’Histoire. Du fait de cette violence, l’exposition se trouve détourné par son sujet et violemment dépassée au même titre que les supports dont elle se veut une des plateformes. À la sortie de ce plateau de Catherine David l’équation iraquienne n’est pas résolue, c’est une exposition témoignage, l’Iraq est encore en guerre, nous sommes en attente d’une autre « expédition », celle de la rencontre avec les œuvres qui peut-être nous amène plus loin que les simples informations. Les artistes continuent leur combat pour retrouver leur pays hors du musée.

A.K.