L'appartement 22

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L’appartement 22,
279 avenue Mohamed V,
MA-10000 Rabat,
T +212663598288,
Text | "A Modest Proposal" (Une proposition modeste) par Yto Barrada
Texte : Abdellah Karroum

Exposition à L’appartement 22, organisée by Abdellah Karroum Du 15 Janvier au 14 Février 2010

Ce texte a été publié dans Nafas Magazine en anglais, Allemand et Arabe. http://universes-in-universe.org/eng/nafas/articles/2010/yto_barrada
Lire les traduction du texte, sur le site du Magazine Nafa, en Arabe, Allemand et Anglais.

vendredi 15 janvier 2010

« A Modest Proposal » (Une proposition modeste) par Yto Barrada par Abdellah Karroum
La première exposition de Yto Barrada à L’appartement 22 est « une proposition modeste » dans laquelle l’artiste développe son vocabulaire utilisant la photographie, le graphisme, le film et l’intervention dans l’espace urbain. Ce dispositif complexe est actif aussi bien dans les lieux d’action que dans celui de l’exposition. Le cinéma et le graphisme, mis à contribution par Yto Barrada, amplifient l’approche activiste de l’artiste entre réalité historique et projection écologique.

« BEAU GESTE ». Ce film en 16 mm montre un commando de trois hommes qui, engagés par l’artiste, interviennent dans un terrain vague pour colmater la blessure d’un palmier et consolider son tronc entamé par une entaille à la base. Par ce geste, l’artiste entend rendre plus difficile sa disparition, à défaut d’en interdire l’arrachage aux promoteurs immobiliers.

Le film commence par la voix-off de l’artiste qui annonce « Some 5000 building permits were issued in the city this year.” Le message de la voix espère aussi que l’arbre aurait 50% de chance de survie. C’est une incertitude qui prévient d’une fatalité plus qu’elle ne donne une leçon de civisme ou de conscience écologique. Le spectateur est pris par l’intrigue du film à l’image des passants qui regardent et commentent cet acte « illégal » en plein jour. C’est du cinéma qui agit sur le réel, par le jeu d’acteur commandité où le geste est plus important que l’image.

La deuxième œuvre de l’exposition à L’appartement 22 est un large papier peint photographique qui déborde sur deux murs, le sol et le plafond. L’image est celle d’un terrain vague au milieu duquel vit un palmier, encerclé par des bâtiments visiblement récents. La figure du terrain vague correspond à un chantier en friche, c’est un aspect qui intéresse l’artiste qui y bricole du vivant : « Un terrain vague ne fonctionne que s’il est habité. c’est un lieu de jeu, à l’abandon ou en attente. c’est un lieu qui n’existe que par ce qu’y est projeté. On va y construire quelque chose un jour ! mais on attendant, pendant la période où la construction n’est pas faite, le temps de la projection, il n’y a pas un temps mort. Le temps mort et un moment habité... » (YB).

Le terrain vague est une figure que Yto Barrada a beaucoup photographiée, notamment pour le travail autour de la guérilla jardinière. Au-delà de la forme, du terrain vague ou du processus, la guérilla jardinière est aussi articulé avec le travail documentaire engagé par l’artiste. La photographie est son principal outil de travail. Yto Barrada travaille sur le développement urbain de Tanger, une des villes les plus touchées par la spéculation immobilière au Nord du Maroc, depuis plus de dix ans. Dans son travail Yto révèle ces espaces entre-deux états, en ruine et en devenir d’autre choses. L’apparence du paysage urbain est en effet façonnée depuis ces espaces cachés, voilés, par des murs temporaires et des panneaux portant des images glacées d’un rêve « dubaïsé ». C’est un Maroc uniformisé qui se construit aussi bien sur le plan social, culturel que sur le plan urbain et paysager… L’artiste prête une grande importance aux périphéries, à l’image des angles dans ses photographies. « Ce qui m’intéresse aussi c’est le geste d’insoumission. C’est la porté du geste. On se situe comme le lieu qui m’intéresse entre poétique et politique. C’est celui-là où j’aime travailler. Je donne des informations, mais je ne suis pas journaliste. Je donne des choses poétiques, mais je ne suis pas poète non plus. Mon travail se situe à la périphérie de ces trois. J’aime informer, j’aime m’informer. » (YB)

Le troisième élément de cette exposition est une publication conçue comme un Manifeste du Palm Project. Ce Fanzine a été distribué la première fois lors d’un pique-nique, puis distribué au Palais Bahia lors de la 3e Biennale de Marrakech. Donner à lire c’est important, surtout des supports à caractère pédagogique. La publication contient un poster qui répertorie une centaine de variété de palmier, les plus connus, ainsi que la même image du terrain vague et la fiche technique du film. Au centre de cette publication articulée se trouve un papier rose au format papier de machine à écrire avec un texte en arabe et en anglais d’un certain Yahya Sari’. C’est « Une proposition modeste ». Le titre de l’exposition est inspiré du texte de Jonathan Swift, auteur anglais du XVIIe siècle. Yto Barrada commande le texte de même tonalité ironique, commandé à un écrivain imaginaire du nom de Yahya Sari’. Texte intitulé « A Modest Proposal to Modernize Morocco and Maximize its Resources and Efficiency » .

La création d’un langage est une part importante du travail de Yto. Ainsi, même dans un contexte où les tabous et les conventions nous empêcheraient de parler des réalités, l’artiste formule des fictions qui parlent de ces réalités. L’apparition des plantes dévoile les enjeux du développement urbain. La figure du palmier est utilisée comme symbole de l’apparence pour dénoncer l’uniformisation des paysages et des villes avec les allées des mêmes arbres et des dalles en marbre ou en granit. Les iris du Rif qui disparaissent de la ville en même temps que les habitants des montagnes arrivent dans les périphéries des villes en extension.

Il y a une dimension politique et un engagement pédagogique dans ces oeuvres. Le paysage urbain là où nous sommes , un endroit central où chaque jour ouvrable de l’année, on entend les cris des manifestants, des groupes de femmes, de chômeurs et autres, peut-être un lieu de prose de position pour l’artiste. Un artiste qui vit dans une société est confronté à ses structures de forces et à ses leurres. Le sujet politique est très présent dans cette exposition. C’est une démarche presque imposée par le contexte où l’on vit ! Dans un contexte où la création artistique est perçue par dangereuse par le pouvoir, il est plus que jamais temps de revendiquer haut et fort la vision engagé des artistes, plasticiens, danseurs, cinéastes, tisseurs et bricoleurs, et leur engagement à participer à la construction d’un société écologique et généreuse. L’œuvre de Yto Barrada est un signal en prévision des projets d’uniformisation des paysages marocains, aussi bien sociaux, culturels que politico-religieux. Insoumis, ce travail propose une possible diversité, à travers la figure du palmier, de l’iris et du terrain vague. La portée d’un geste et d’une proposition, aussi modeste soit-elle, participe à l’écologie de ce monde en friche.

A.K.

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Yto Barrada (Exhibition vue at L’appartement 22, 2010).

Lire les traduction du texte, sur le site du Magazine Nafa, en Arabe, Allemand et Anglais.

1) Propos extrait de l’entretien de Abdellah Karroum avec Yto Barrada, à L’appartement 22 en Août 2009. 2) Idem. 3) The proposal by Sari’has some absud positions such as this : « MOROCCO MUST JOIN THE EUROPEAN UNION, AND ON THE FIRST DAY OF MEMBERSHIP, ALL PERSONS ON MOROCCAN SOIL NOT POSSESSING A EUROPEAN PASSPORT, VISA, OR TOURIST CARD WILL BE DEEMED ILLEGAL AND AS SUCH, WILL BE IMMEDIATELY DEPORTED. » L’appartement 22 est situé sur l’avenue Mohamed V, devant le Parlement du Maroc.