L'appartement 22

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L’appartement 22,
279 avenue Mohamed V,
MA-10000 Rabat,
T +212663598288,
Georgia Kotretsos | KARFI (fr)

Une exposition du 14 Janvier au 28 Février 2014, dans le cadre la résidence de Georgia Kotretsos à L’appartement22 du 15 Décembre 2013 au 15 Janvier 2014. Prolongée jusqu’au 31 Mars 2014. curator : Abdellah Karroum
samedi 8 février 2014

KARFI est un projet photographique créé à Rabat. En grecque, KARFI est la traduction littérale du mot clou mais il est également enrichi de connotations métaphoriques et espiègles qui attirent l’attention sur des éléments de notre entourage qui nous aurait échappés jusqu’à lors. Quand il est personnifié, cela a à voir avec celui qui pratique la délation ou bien encore avec celui qui dérape et accidentellement révèle sa pensée. KARFI peut aussi être une déclaration acerbe qui est prononcée pour nous faire rentrer directement dans le vif du problème. Enfin, KARFI a trait au degré d’intensité d’un regard. Il peut s’agir à la fois de la personne qui le lance ou de celui qui le reçoit.

Je suis autant intéressée par être le spectateur qu’être vue, et en conduisant une pratique artistique qui est littéralement un hommage à cette activité spécifique (regarder), je pourrais être considérée comme un spectateur moderniste. Vous voyez, je ne veux pas prendre parti, ni compléter, interagir, rejouer, réagir, etc. avec l’oeuvre ; je préfère qu’on me laisse seule avec elle car je n’ai PAS encore fini de regarder. Ce n’est pas seulement une question d’esthétique mais plutôt d’arriver à comprendre comment le monde autour de moi s’installe et s’inscrit en moi. Je veux être consciente de cet ajustement car il forme la connaissance du monde comme je le reçois.

Le but est ainsi d’oublier les images qui occupent mon esprit, les formes, les couleurs et la lumière, ces images mentales qui sont des inventions de l’esprit. Vous voyez, pendant un long moment j’ai été une lectrice et non une spectatrice, c’est pourquoi j’essaie de compenser toutes les images perdues, de les remplacer et d’ajuster toutes les distorsions créées par mes archives mentales.

Il s’agit donc de mon premier séjour au Maroc, à Rabat plus spécifiquement, et je n’ai sciemment pas triché : je suis entrée dans la ville avec aussi peu d’images que possible. La résidence à L’appartement22 a servi d’épine dorsale à cette démarche, un hôte hospitalier qui m’a fait sentir comme chez moi. Pour moi, une bonne résidence d’artiste doit produire ce sentiment. En tant qu’artiste, si je regarde un endroit comme le ferait un touriste durant la période où j’y réside, alors ma connexion avec le lieu reste superficielle et trop fatigante à mon goût. J’ai eu l’opportunité de vivre à Rabat pendant un mois, dans le centre ville, et j’ai fait exactement la même chose qui si j’habitais ici : je me suis considérée comme un résident de cette ville et Rabat m’a accepté généreusement. Pourtant, je dois l’admettre, à un certain stade prématuré, j’ai instinctivement pointé mon appareil photo sur des endroits pour mon propre plaisir. Mais là encore, je ne suis pas catégoriquement opposée à donner un spectacle plaisant aux yeux, juste pour le plaisir de s’y opposer.

Je vais mettre en place cette exposition comme une énigme et vous donner trois indices afin de vous aider : mur, regard et clou (KARFI) :

a) Murs : remparts qui encerclent la ville, ainsi que les autres murs qui ont été bâtis dans cette enceinte, tandis que d’autres encore sont détenus et ont été trouvés dans celle-ci. C’est une poupée russe et pour arriver à l’espace intérieur, intime et privé – la plus petite des poupées – on doit passer beaucoup d’entrées. Les murs de la ville, les murs du jardin Andalou, Bad er-Rouah, Dar el-Makhzen, la nécropole de Chellah, Bab el-Oudayas et des structures architecturales plus petites encore ont transformé le paysage urbain initial, le fragmentant en de plus petits espaces et structures. Je me perds facilement, pourtant je me suis toujours sentie contenue dans la ville. Les murs participent de cette sensation inhabituelle d’appartenance. Et quand vous les regardez, ils sont grandioses, monumentaux et imposants, tactiles et riches en couleurs pourtant ils ne favorisent pas l’enfermement d’une quelconque manière. Ou au moins, c’est ainsi que je me suis sentie au milieu d’eux pendant un mois. Je les ai suivis comme s’ils étaient des fils me menant vers des endroits inconnus. Très rapidement j’ai été dévorée par cette question de savoir ce que contenait ces murs et c’est allé de paire avec mon intérêt prenant pour les habitants de la ville.

b) Regard : Bien que je me sois familiarisée avec la ville, quelque chose m’avait toujours suivi, un regard inédit si parlant et révélateur, énonçant son opinion avec une telle clarté que les mots n’étaient plus nécessaire. Contrairement à l’hypothèse répandue, basée sur l’observation, ici, le spectateur est dans une position vulnérable. Inévitablement mais lentement, je suis devenue consciente de ce que mes yeux faisaient, des surfaces sur lesquelles ils s’attardaient ainsi que celles qui se présentaient à moi en tant qu’opportunités d’absorption visuelle.

c) Clou, KARFI : Les murs étaient percés. Un clou avait percé le mur d’une bijouterie, de deux magasins de tapis, d’un maroquinier, d’une école de conduite, de deux magasins spécialisés dans la photographie, d’un encadreur, d’un fournisseur de matériel de beaux arts, d’un magasin d’électronique, de deux boutiques de vêtements, d’un réparateur de vélos, d’une agence de voyage, d’un écrivain public, de quatre tailleurs, d’un magasin vendant des stylos, de trois revendeurs de pièces détachées de voitures, de deux garages, de deux coiffeurs, de deux boutiques de rideaux, d’un bar, d’un bar à jus de fruit, d’une téléboutique, d’un barbier, d’un magasin de papier, d’un vendeur de cartes téléphoniques, d’une laverie. Pour faire court, je suis entrée dans plus de cent vingts magasins et j’ai été confronté à une présence statique. Les clous portaient le poids d’un sujet qui supervisait la zone commerçante de Rabat. Je me suis intéressée à la hauteur où on a placé le clou, au poids du sujet et au mur percé.

Le travail à L’appartement22 concerne ces trois éléments nommés ci-dessus et un seul est inversé et implicite. Le travail a commencé avec une question, posée au propriétaire du magasin, qui était de savoir s’il était possible de décrocher l’image du mur dans le but de photographier son envers, où l’image, le clou et le mur était tous reliés. Cette question n’était pas toujours bien accueillie et a souvent du être négociée, compromise et interrogée si bien qu’un magasin sur trois dans lequel je suis entrée a accepté de me tendre cette image iconique.

Les photographies sont disposées à L’appartement22 au dessus du niveau des yeux, imitant le style des salons, transformant l’espace en un mur, changeant la présence statique qui nous entoure afin qu’elle semble être tournée vers le monde tandis que nous sommes tous rassemblés derrière elle.

Quand il s’agit de regarder, 2013 m’a gâtée. J’ai rejoins un ami au parc dans le centre ville d’Athènes avec son fils de 17 mois, un enfant fabuleux et joyeux qui commençait à devenir conscient de ce qui l’entoure. Je l’ai regardé un moment et j’ai soudainement vu son visage s’éclairer. Il m’a regardé ainsi que sa mère et il a joint ses mains, littéralement extatique alors qu’il regardait un énorme arbre juste en face de lui. Il le pointait du doigt, le regardait, et frappait dans ses mains, et c’est à ce moment précis qu’il est pour la première fois devenu conscient des arbres, ou mieux encore, de cet arbre, et il a honoré ce moment sans retenir sa joie. Comme si ce n’était pas suffisant, souvenez vous que nous étions dans u n parc, il s’est retourné et quand il a regardé dans une autre direction, il ne put se contenir : il y avait un autre arbre, puis un autre, et sa célébration s’intensifiait. Je veux redevenir comme lui, regarder avec une telle intensité à nouveau. Il s’appelle Alexandros. Mais je ne peux pas, car mon aspect critique conditionne mon regard. Mais dans cette quête du regard neuf, et si je dois retenir une chose de ce que j’ai appris au Maroc, ce serait cette manière non censurée de regarder, celle qui est entièrement engagée et qui expose le spectateur à son acte de regarder.

G.K

Remerciements : Liousfy (Wilaya), Abdellah Karroum, Emma Chubb, Alexandros Politis, Yasmina Naji, Mehdi Zeraidi, Touda Bouanani, Mounaim Bouhaba, Simohamed Akhmim, ma chère amie et collègue Natasha Papadopoulou et la dernière mais pas des moindres, Maud Houssais, pour avoir rendue ce projet possible.
Georgia Kotretsos, KARFI, installation, dimensions variables, 2014, photo : (...) Georgia Kotretsos, KARFI, installation, dimensions variables, 2014, photo : (...) Georgia Kotretsos, KARFI, installation, dimensions variables, 2014, photo : (...) Georgia Kotretsos, KARFI, installation, dimensions variables, 2014, photo : (...) Georgia Kotretsos, KARFI, installation, dimensions variables, 2014, photo : (...) Georgia Kotretsos, KARFI, installation, dimensions variables, 2014, photo : (...)