L'appartement 22

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L’appartement 22,
279 avenue Mohamed V,
MA-10000 Rabat,
T +212663598288,
Allers/Retours 1989-2006, par Abdellah KARROUM

jeudi 5 octobre 2006

Si l’année 1989 marque la chute physique du mur de Berlin, elle signifie pour moi le début d’une époque « post-contemporaine » qui correspond à mon premier passage d’un pays à un autre (Maroc, Espagne), d’un continent à autre (Afrique, Europe). Ce lien « historique » est devenu une référence abstraite à partir de laquelle se construit le sens des allers-retours entre traversée des espaces et expériences du temps de l’art. Ces passages se traduisent concrètement dans les rencontres et expositions de L’appartement 22 , ainsi que dans les expéditions Le Bout Du Monde et les expressions des éditions hors’champs. Ce sont des chantiers partagés avec des artistes, souvent de ma génération, dont le travail s’inscrit dans des espaces qui dépassent les localités exclusives et résistent à une globalisation incontrôlée où toute individualité serait noyée. Ces Allers/Retours créent une double visibilité pour les artistes qui apparaissent et qui transformant les lieux de leurs investissement en centres choisis, abolissant le modèle centre/périphérie. La situation des artistes en Égypte et d’Algérie m’intéressent à plusieurs niveaux, notamment parce qu’ils sont confrontés à des situations politiques et sociales expérimentales (nécessaire à comprendre sans jugement). Le travail de Hamdi Attia (Le Caire, New York) sur la représentation d’un monde imaginaire (World Map, 2006) dont les océans, les continents, les pays et les villes ont été inspirés, parfois dictés, par les amis de l’artiste à New York, montre assez bien la relativité de la géopolitique du monde actuel. Doa Aly (Le Caire) apprend différents métiers pour réaliser ses œuvres, adoptant ainsi une méthode contre la convention du style. Amal Kemawy (Le Caire) construit des récits visuels en vidéo animée et théâtralisée pour dire avec poésie le malaise de l’être dans des sociétés dominées par le mal. Maria Karim (Casablanca-Marseille) se risque à questionner sa propre biographie, à travers celle imaginaire de son amie d’enfance et camarade de classe qui a quitté l’école très jeune, mettant en abîme -par le dialogue de la vidéo « Wafa Lisa » (2005)- cet aller/retour entre l’artiste-auteur et l’ami narrateur. Ce sont des artistes que j’aimerais montrer à l’échelle internationale. Dans cette même vision, le travail dessiné de Liliana Basarab (Roumanie) sera exposé à Rabat car les problèmes qu’elle pose devraient intéresser tout le monde. En plus de sa richesse esthétique je perçois les possibilités que peut offrir ce travail dans un espace d’exposition, en l’occurrence celui de L’appartement 22. Suite à des discussions avec Adel Abdessemed (Paris), le travail de Sislej Xhafa (Kosovo, New York) qui propose un usage politique et social de l’art m’a interpellé. Tous ces artistes travaillent dans les territoires où ils vivent physiquement, mais ils sont aussi impliqués dans les questions qui touchent toute la planète. Informés, ils réagissent à l’actualité et rêvent de « refaire le monde », ici et à l’autre bout du monde. Le travail artistique se confond souvent avec le récit biographique de son auteur. Le fait d’êtes issu d’un pays, de porter un passeport vous donne accès ou non physiquement à certains espaces. La notion de patrie est relative et fragile. Un artiste irlandais, résident en France et en Andalousie, ayant un projet au Maroc peut réaliser un travail qui aura un bon impact à Singapour… Une des expositions de L’appartement 22 est celle de Seamus Farrell (Paris, Cadiz) qui se dit un artiste irlandais né à Londres. Il travaille partout. Tout en étant fidèle à sa conception de l’art et à sa relation au monde, il donne à son œuvre une vie dans le contexte de sa réalisation matérielle et de son « recyclage visuel » . En tant que professionnel indépendant, je ne me sens pas spécialement responsable des artistes issus des pays du Maghreb. En revanche, j’accompagne et assume mon engagement pour la réception des œuvres et des artistes avec lesquels je travaille aussi bien en Europe qu’en Afrique. Le travail d’Adel Abdessemed m’intéresse depuis presque dix ans, mais il n’était pas question de me présenter à lui sous prétexte qu’il serait originaire d’Afrique du Nord. L’œuvre de Adel Abdessemed que j’ai présenté à L’appartement 22 , God is design (2005), pose des questions pertinentes dans le contexte global, avec un sens anti-idéologique fort. Avant lui j’ai déjà invité Fabrice Hyber (Paris) qui mène un travail titanesque depuis des années sur la relation de l’Occident et de l’Orient. L’intérêt de l’œuvre de Fabrice Hyber, au-delà des réalisations technique fantastiques, est aussi d’interagir avec le milieu en adoptant une démarche écologique et réellement innovante. L’un des objets de son entreprise UR a été de mettre en place un commerce réel pour expérimenter cette relation, notamment par la fabrication en Égypte de Djellaba et leur importation en France. Si Fabrice Hyber apparaît dans mon programme ce n’est pas parce qu’il est français, mais bien parce qu’il me semble que son projet mérite d’être « déployé » dans le contexte du Maroc. L’apparition d’un artiste dans un pays est liée à son projet et à une certaine conjoncture institutionnelle ou médiatique. Ainsi le travail d’un artiste peut apparaître en force en même temps à Shanghai, Berlin, Rabat, Londres, New York et Dakar. Le travail que je mène à travers les projets de L’appartement 22 est basé sur une investigation permanente, aussi bien au Maroc qu’en France et plus largement en Europe et en Afrique. Mais dès qu’on commence à réfléchir en termes de pays ou de continent les malentendus surgissent au sujet des paradigmes identitaires. Je choisis de ne pas les contourner, mais de m’introduire dans leurs symboles et leurs représentations, d’où la nécessité d’interroger la création contemporaine, ses enjeux et ses réseaux. L’expérience de l’art fait transparaître une idée de capital utopique qui donne naissance à un activisme transfrontalier. L’art n’est pas lié à un territoire unique. Il opère des allers-retours permanents, entre les convictions, les croyances, les idéologies, les écologies, les langages et les tabous, pour proposer un monde convivial ou simplement vivable.

A.K. (Paris, Rabat)

Voir la documentation des projets sur le site de L’appartement 22 : www.appartement22.com Site des expéditions Le Bout Du Monde réalisées depuis 2000 : http://lebdm.free.fr "Recyclage visuel = les trois R : reduire/reutiliser/recycler-reduce/reuse/recycle".